Interview

Cristian Măcelaru, Directeur de l’Orchestre National de France, Directeur artistique du Festival International « George Enescu »

« Comme tout leader à succès, un chef d’orchestre doit inspirer ses musiciens plutôt que de leur imposer certaines normes »

Chef d’orchestre visionnaire et ambassadeur de la culture roumaine sur les grandes scènes internationales, Cristian Măcelaru parle du lien spécial entre la Roumanie et la France, de la magie de la musique qui unit les mondes et des leçons de leadership qu’il tire de chaque répétition et de chaque concert.

 

Que signifie pour vous la relation entre la Roumanie et la France ?

Les deux pays ont entretenu des liens étroits d’amitié depuis de nombreuses années. Non seulement sur le plan politique, mais surtout sur le plan culturel. De très nombreux artistes d’origine roumaine ont étudié puis poursuivi leur carrière à Paris ou dans d’autres grandes villes françaises. Et cette unité créée par la richesse d’un patrimoine culturel commun est la manière même dont nous pouvons renforcer encore davantage nos destins.

« Il y a eu un coup de foudre… », déclarait Michel Orier, directeur de la musique et de la création de Radio France, en évoquant le moment où les musiciens de l’Orchestre National de France sont tombés amoureux du style de Cristian Măcelaru et ont demandé à retravailler avec lui. Comment expliquez-vous qu’une seule rencontre ait suffi à déclencher ce choix et à vous conduire, quelques années plus tard, à la tête de l’Orchestre National de France — et qu’a apporté cette alchimie à l’ensemble au cours des dernières années ?

Il est naturel qu’un orchestre reconnaisse immédiatement une personnalité qui l’attire. D’autant plus que le rôle du chef d’orchestre ne peut pas être défini de manière stricte. Alors, cette attraction instantanée devient un point de départ important vers la formation d’une relation solide et significative. L’ouverture de l’orchestre à mon égard a été pour moi un signe de bon augure, et ainsi notre relation continue de croître à chaque projet, à chaque concert que nous présentons.

Vous dites souvent que vous portez la Roumanie dans votre son et dans vos gestes de chef. De quelle manière votre expérience roumaine – de la formation musicale au lien avec Enescu – se reflète-t-elle aujourd’hui dans votre façon de modeler un orchestre français de prestige ?

Cette mélancolie que l’on retrouve dans la musique d’Enescu, qui se souvient du folklore roumain, du son de la flûte du berger au loin, du rythme dansant du lăutar du village – toutes ces caractéristiques vivent encore dans mon cœur. L’expérience commune qu’Enescu et moi avons eue, non seulement celle d’être roumains, mais surtout celle d’avoir été des immigrés presque toute notre vie, nous a poussés tous les deux à tourner notre regard vers notre pays avec encore plus d’amour et de nostalgie. Et ces qualités dont je parlais tout à l’heure constituent mon identité de musicien, d’artiste.

En tant qu’artiste roumain à la tête d’une institution symbole de la France, sentez-vous que vous avez aussi une mission d’ambassadeur culturel de la Roumanie ? Comment aimeriez-vous que le pays soit perçu à travers la musique que vous apportez sur les scènes internationales ?

J’ai fait découvrir au public français, et même aux musiciens français, beaucoup de musique roumaine. Et chaque fois j’essaie de peindre pour eux une image de ma Roumanie : un pays riche en beautés naturelles, empreint de mystère, une terre de conte de fées. Je leur parle souvent des forêts luxuriantes (dans la musique d’Enescu), ou des nuits d’été accablantes (dans la musique de Bartók). Et je souhaite que la Roumanie soit véritablement perçue comme le pays digne d’un Brancusi ou d’un Lipatti, des personnalités qui ont couronné la beauté à travers leurs œuvres.

La direction d’un orchestre ressemble souvent à celle d’une grande entreprise : il faut une vision, la coordination d’un collectif complexe et l’inspiration pour atteindre l’excellence. Quelles sont, selon votre expérience, les leçons de leadership issues de la musique qui peuvent aussi s’appliquer au monde des affaires ?

Avant tout, il est très important pour un chef d’orchestre de comprendre que diriger un orchestre ne signifie pas être dans le contrôle, mais démontrer avec conviction ce que l’on souhaite entendre. Comme tout leader à succès, un chef doit inspirer ses musiciens plutôt que de leur imposer des standards. Ce rôle est important, certes, mais l’essentiel est l’inspiration. Ensuite, il est essentiel qu’un chef connaisse physiquement ce que signifie jouer d’un instrument, afin d’avoir une compréhension plus profonde des possibilités. De la même manière, je pense qu’un leader qui connaît les détails concrets bénéficie d’une vision réalisable. Enfin, dans la relation avec les gens, tout doit être basé sur le respect et l’amour. Sinon, je ne vois pas comment cela serait possible.

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