Interview
« La transformation est notre raison d’être » – David Martinon, CEO de XP

Entretien avec David Martinon, CEO Grup XP
Dans un secteur situé à la croisée de la maturité des ressources et de la transition énergétique, David Martinon, CEO du Groupe XP, explique comment l’entreprise allie discipline opérationnelle et technologies de pointe pour transformer des champs pétroliers matures en actifs durables et quasiment neutres en émissions.
Un mot pour 20 ans de XP – lequel et pourquoi ?
« Transformation".
Chez XP, nous ne nous contentons pas de juste gérer des champs pétroliers, nous les transformons pour en faire des actifs résilients, performants et durables. En 20 ans, nous avons redynamisé plus de 30 champs en déclin, réduit leurs émissions de 60%, et prouvé que l’innovation et l’expertise locale peuvent ensemble transformer une production en berne et des infrastructures vieillissantes en une opération moderne et en croissance. Nous l’avons prouvé non seulement en Roumanie mais aussi en Ukraine en augmentant nos investissements et la production malgré la guerre. Transformer, c’est notre raison d’être — et notre différence.
Que souhaitez-vous voir rester inchangé chez XP dans 20 ans ?
Notre esprit entrepreneurial et notre attention aux détails — piliers de notre succès. Nous voulons conserver notre agilité, notre proximité avec les communautés locales, et notre capacité à responsabiliser les équipes de terrain. Ces valeurs, combinées à une culture de l’innovation, nous permettrons de croître sans perdre notre identité. L’équilibre entre expérience et audace doit rester notre marque de fabrique et cela n’est pas évident a garder dans des phases de croissance.
Comment attirer les jeunes vers une industrie traditionnelle ?
En montrant son côté innovant, durable et essentiel. Chez XP, nous misons sur la technologie (IA, digitalisation, automatisation…), la décarbonation d’opérations existantes et l’impact de nos activités sur la communauté locale : nos équipes transforment et modernise des actifs énergétiques essentiel en solutions durables. Nous offrons des carrières dynamiques, avec des programmes de formation internationaux ainsi qu’en partenariat avec les universités roumaines et ukrainiennes. Nous adressons aussi des défis concrets pour le futur tel que la géothermie et le stockage de CO2. L’énergie de demain se construit aujourd’hui — et les jeunes en sont les acteurs clés.
Quel a été le tournant décisif pour XP ?
Notre plus gros échec, il y a 15 ans de cela : un forage à 25MEuro sans résultat en Roumanie. Nous en avons tiré des leçons cruciales qui ont été les bases de nos succès futurs tel que :
- Le diable est vraiment dans les détails — nous avons appris que le succès dépend de la discipline, de la précision et de l'attention incessante à chaque élément de l'opération.
- Une chaîne est aussi forte que son maillon le plus faible — qu'il s'agisse de personnes, de processus, d'équipements ou de technologie, le niveau de norme le plus bas de tout élément fixera la norme pour l'ensemble du projet.
- S'appuyer sur l'expérience et l'expertise locales est essentiel — nous avons découvert que notre plus grande force réside souvent dans le savoir de ceux qui sont les plus proches des opérations depuis de nombreuses années.
Cet échec a forgé notre rigueur et notre modèle actuel, basé sur des investissements ciblés et une résilience à toute épreuve, comme en Ukraine où nous dépassons nos obligations malgré la guerre.
Qu’est-ce qui est resté inchangé et qu’est-ce qui a évolué ?
Inchangé : notre résilience et notre engagement envers les communautés.
Évolué : nous avons appris à nous appuyer beaucoup plus sur l’expérience terrain et l’analyse de donnée, à valoriser les petites opportunités incrémentales («small is beautiful ») plutôt que tout miser sur des «games changer » et garder une structure d’actionnariat focalisée sur le très long terme. Aujourd’hui, nous combinons ces principes avec des technologies de pointe pour des opérations plus pérennes et quasi neutres en émissions de méthane.
Quel rôle auront les entreprises independentes à l’avenir ?
Elles seront motrices d’innovation a échelle humaine grâce à leur flexibilité et proximité des opérations. Dans notre secteur les géants de l’industrie ont besoin de partenaires comme nous agiles et focalisées sur une expertise particulière pour pouvoir rentrer dans les détails des actifs mature afin de les optimiser. Une large et diverse organisation ne peut allier le niveau de performance et impact que nous pouvons avoir dans notre secteur niche d’activité.
Comment l’« esprit XP » se traduit-il dans différentes cultures ?
Par un esprit entrepreneurial local. Que ce soit en Roumanie, en Ukraine ou au Moyen-Orient, nous adaptons notre modèle aux réalités terrain, en responsabilisant les équipes et en intégrant les savoir-faire locaux. Notre succès repose sur cette hybridation : des standards et des technologies internationaux appliqués avec une touche locale, pour des solutions durables et acceptées par les communautés.
Comment équilibrer expérience et innovation ?
L’innovation sans expérience est souvent inefficace. Chez XP, nous partons des retours terrain (ex. : nos 150 000 sources d’émissions de méthane inventoriées) pour développer des solutions ciblées, comme notre plateforme de décarbonation. Nous formons en continu nos équipes à de nouvelles technologies, tout en capitalisant sur leur expertise historique. C’est cet équilibre qui nous permet d’innover sans perdre de vue la réalité opérationnelle.
Qu’avez-vous appris de l’expérience en Ukraine ?
La résilience et la force que représente l’engagement des équipes vers un même objectif. Malgré la guerre, nos 200 collaborateurs locaux ont maintenu la production, dépassant les objectifs. Cette expérience a renforcé notre conviction : une équipe motivée par une mission commune (sécurité énergétique, emplois locaux) surmonte tout. Elle a aussi accéléré notre transition vers des opérations plus digitales, automatisés et bas carbone.
À quoi ressemblera le leader énergétique de demain ?
Dans 20 ans, il combinera haute technologie et responsabilité environnementale. Dans notre cas, XP exploitera surement encore des champs pétro gaziers de plus en plus matures mais à émissions quasi nulles, tout en nous diversifiant vers la géothermie et la gestion de stockage de CO2 dans des réservoirs de champs gaziers déplétés grâce à nos compétences en forage, gestion des réservoirs et des opérations de production. La preuve que l’industrie pétrolière peut évoluer vers un mix énergétique durable, sans renoncer à son cœur de métier.
Données ou intuition – qu’est-ce qui compte le plus aujourd’hui ?
80% données, 20% intuition. Les données guident nos décisions (ex. : réduction de 60% des émissions de méthane grâce à l’OGMP 2.0), mais l’intuition — nourrie par l’expérience terrain — permet d’identifier des opportunités invisibles aux algorithmes. Notre pilotage par les données est tempéré par le jugement de nos ingénieurs, formés à analyser et agir rapidement.
Qu’avez-vous appris des équipes sur le terrain sur le leadership ?
Que les meilleures idées viennent souvent du terrain. Nos techniciens proposent des solutions pour optimiser la production ou réduire les coûts. Nous avons donc créé des programmes pour les former, responsabiliser et récompenser, transformant leur expertise en levier de performance. Le leadership, chez XP, c’est écouter et implémenter rapidement.
Comment les dirigeants français peuvent-ils soutenir les affaires locales ?
En investissant dans la formation et une culture d’entreprise européenne humaniste. XP mise sur des partenariats long terme avec les universités et les acteurs locaux, comme en Ukraine avec Naftogaz et en Roumanie avec OMV Petrom. Les dirigeants doivent allier la vision globale et ancrage territorial, en valorisant les talents locaux.
Quel message avez-vous pour les investisseurs français en Roumanie ?
Investissez sur le long terme et misez sur la jeunesse roumaine. La Roumanie regorge de talents et d’actifs sous-exploités. Notre modèle commercial et contractuel prouve qu’avec de la patience et une approche responsable, les retours peuvent être à la fois financiers et sociétaux.