Interview
Roxana Voloșeniuc, Publisher ELLE & ELLE Décoration, Rédactrice en chef ELLE Roumanie
‘’Paris a imposé une certaine façon de comprendre la mode – comme un acte de culture, et non comme une simple consommation de tendances.’’
Roxana Voloșeniuc, Publisher d’ELLE & ELLE Decoration et Rédactrice en chef d’ELLE Roumanie, parle du lien profond du magazine avec ses origines françaises, du style inimitable de la mode parisienne et de la manière dont cet héritage se reflète dans les pages d’ELLE Roumanie, inspirant les lectrices à cultiver style, élégance et liberté d’être elles-mêmes.
Que représente pour vous le lien avec les origines françaises du magazine ?
ELLE est né à Paris il y a 80 ans, à un moment où les femmes avaient besoin d’un nouveau langage de la liberté. En Roumanie, lorsque nous avons lancé ELLE en 1997, nous étions également des pionniers : c’était le premier magazine de mode international arrivé ici et, malheureusement, il est resté le dernier.
Le lien avec Paris est plus qu’historique, il fait partie de l’ADN du magazine. Il nous rappelle en permanence d’être audacieux sur le plan éditorial et de cultiver un esprit libre, pertinent et sophistiqué.
Pour moi, le lien avec les origines françaises du magazine a aussi une dimension personnelle. Mon premier contact, en tant que rédactrice en chef, a été directement avec la mode française. J’ai assisté à mes premiers défilés lors de la Fashion Week de Paris, dès 1998, et aujourd’hui, en regardant en arrière, je réalise quel privilège cela a été d’être là, saison après saison, aux défilés de créateurs légendaires : Paco Rabanne, Valentino, Chanel (Karl Lagerfeld). J’ai assisté au dernier défilé de prêt-à-porter d’Yves Saint Laurent et j’ai vécu cette énergie unique du Paris de la mode. J’ai aussi connu l’époque de certaines maisons qui ont aujourd’hui presque disparu – Christian Lacroix, Guy Laroche, Pierre Cardin, Ungaro – et j’ai eu le sentiment, d’une certaine manière, d’avoir fait partie de la mode de ce moment-là. Cette expérience a façonné ma vision de l’industrie et a cimenté pour moi le lien profond avec l’ADN français du magazine.
Comment l’esprit français se reflète-t-il dans les pages d’ELLE Roumanie ?
Le style français est un style acquis, fruit de siècles d’exercices stylistiques. Et, paradoxalement, c’est précisément pour cette raison qu’il n’est pas contraignant – au contraire, il est fluide, effortless, défini par le fameux « less is more ». Aux débuts du magazine, avant les réseaux sociaux, l’inspiration venait directement de Paris : des magazines français, de la rue, des événements organisés par Hachette ou encore des semaines de la mode parisiennes. Aujourd’hui, nous conservons ce filtre français dans les pages du magazine, même si nous l’adaptons en permanence aux réalités et à l’énergie locales.
Y a-t-il des valeurs ou des repères de la culture française que vous essayez d’apporter plus près de vos lectrices en Roumanie ?
Oui, absolument. Nous avons toujours essayé de rapprocher cette attitude inimitable que l’on retrouve en France : l’idée que l’on n’a pas besoin de dix éléments pour un style impeccable. Un simple rouge à lèvres, une chemise blanche, un jean bien coupé et une paire de kitten heels suffisent. Au-delà des vêtements, nous cherchons à cultiver le goût de la qualité, de l’expression personnelle et de la liberté d’être soi-même.
La France est considérée comme la capitale de la mode. Comment pensez-vous que cet héritage se reflète dans la culture vestimentaire, pas seulement en Roumanie ?
Paris a imposé une certaine façon de comprendre la mode – comme un acte de culture, et non comme une simple consommation de tendances. En Roumanie, cette influence se fait sentir de plus en plus : les femmes sont de plus en plus soucieuses de construire un style personnel, d’investir dans des pièces de qualité et de considérer la mode comme un langage de l’identité. L’héritage français nous a appris que le vrai style ne dépend pas d’une saison ou d’une marque, mais d’une attitude.
Que pensez-vous que nous ayons à apprendre les uns des autres – la Roumanie de la France et la France de la Roumanie – dans le domaine de la mode et du lifestyle ?
La Roumanie a beaucoup à apprendre de la France en matière de cohérence esthétique et de respect du patrimoine créatif. Les Français savent construire des histoires autour des marques, protéger les savoir-faire et investir dans l’éducation du goût.
En revanche, la Roumanie peut inspirer la France par une énergie brute et authentique, par le courage de jeunes créateurs qui n’ont pas peur d’être non conventionnels. Nous avons un esprit frais, expérimental, et ELLE Roumanie est un observateur attentif et un catalyseur de cette énergie.
Dans le domaine du lifestyle, l’échange est tout aussi précieux : nous pouvons apprendre le slow living, les rituels raffinés, et nous pouvons en retour offrir la spontanéité, l’adaptabilité et une créativité instinctive.
Une expérience récente en lien avec la France
Tous les deux ans, Hachette organise à Versailles, à l’Hôtel Trianon où nous séjournons toujours trois jours, les rencontres ELLE International, un événement qui réunit tous les rédacteurs en chef et publishers du réseau mondial. Ce sont des expériences extraordinaires, car à chaque fois, un élément-surprise est préparé spécialement pour nous.
Il y a deux ans, nous avons eu l’honneur de rencontrer Brigitte Macron, qui nous a offert une visite privée du Palais de l’Élysée. L’expérience s’est poursuivie par un déjeuner mémorable à l’Orangerie de Versailles, cuisiné par Alain Ducasse lui-même – un moment inoubliable.
Cette année, les invités surprises étaient des figures emblématiques de l’industrie de la mode et du parfum, avec lesquelles nous avons interagi tout au long de la conférence : le CEO de Céline, le CEO de Chanel Mode et le célèbre parfumeur Francis Kurkdjian de chez Dior. Ce sont des rencontres qui nous reconnectent à l’essence du style français et au rythme de l’industrie mondiale. Tous ces moments font partie d’une relation spéciale que nous entretenons avec la France et que nous faisons vivre dans les pages du magazine.